
- C’était la première fois et depuis si longtemps !
Mon Doudou avait décidé de me montrer et de montrer aux autres combien il savait se tenir en société, donc bien se tenir, c’est à dire se retenir :
– se retenir de trop me regarder,
– se retenir de trop s’exciter,
– se retenir de trop… trop… trop… s’irriter si je l’évitais,
– bref devenir ce « Bel indifférent » qui ne laisse par contre indifférente aucune femme autour de lui,
- si beau, si beau, si beau, trop beau comme s’il se rendait à un mariage,
- son mariage, son futur mariage.
Et moi, je n’aime pas les mariages.
Mais j’aime mon Doudou.
– C’est quoi, un « Doudou » ?
C’est le doux nom, « doudou », que les filles des îles, du moins les Créoles de l’île de la Réunion, donnent à leur « chéri-e »,
- un peu comme le Chocolat de la marque « Mon Chéri » !
– Pourquoi « doudou » est-il un surnom créole unisexe ?
- Parce que « l’amour » n’a pas de genre,
- il peut être singulier au masculin et pluriel au féminin comme le mot « délice ».
Contre-exemple :
-Chant créole adressé au « doudou » sans genre mais toujours sexué,
- le délicieux «Ban mwen an ti bo, dé ti bo, twa ti bo doudou» (donne-moi un bisou, deux bisous…) !
– « Mon doudou, mi aime a ou »
- -chanté par un groupe folklorique de l’île de la Réunion :
Il y aussi une autre signification attribuée au mot « doudou », un sens donné par les « z’oreilles » (les Métropolitains) :
– c’est le « doudou » du bébé,
- cet objet-fétiche symbolisant le sein maternel dont le bébé ne veut pas être séparé,
- besoin sensoriel irrépressible,
- désir instinctif de l’homme qui se croit invincible.
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[Le doudou dans tous ses états. Objet transitionnel, objet fétiche, deux processualités
- Myriam Boubli
- Dans Le fétichisme (2012), pages 93 à 130
[ Les débats sur la question des premiers objets d’investissement ont toujours été vifs, voire conflictuels, du fait de leurs impacts métapsychologiques sur le destin du moi et de ses objets. Parmi les problématiques débattues, celle du statut à accorder aux objets d’investissement choisis par les bébés dès trois ou quatre mois. Il s’agit de ces objets chargés olfactivement que les bébés câlinent, effleurent de façon souvent ritualisée, avec lesquels ils se caressent le visage, le nez ou qu’ils manipulent… Ces objets, nous le verrons, ont longtemps alerté des analystes qui les soupçonnaient d’être des objets fétiches, et cela jusqu’à ce que Winnicott les introduise dans une processualité qu’il propose comme étant normale et universelle. Il conclut cependant, partiellement en lien avec ses prédécesseurs, qu’une étude de l’usage que fait l’enfant de l’objet transitionnel et des phénomènes transitionnels peut éclairer sur l’origine de l’objet fétiche et du fétichisme. […] ]
https://www.cairn.info/le-fetichisme–9782130591030-page-93.htm

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- Mon Doudou à moi serait-il fétichiste ?
Je vous explique :
– J’avais offert à mon Doudou un livre sur les bonnes manières, non pas parce qu’il est mal élevé quoique bien éduqué, si, si !,
- mais parce qu’il ne sait pas maîtriser ses émotions en public,
- du moins en ma présence ou en présence de toutes femmes qu’il désire ou qui le désirent.
Parfois, il en surjoue, transformant cette faiblesse sociale, absence de self-control, en force de séduction fatale, attendrissant et étourdissant ses conquêtes avec une voix de crooner à faire se damner une sainte.
Alors ses maladresses deviennent autant de roucoulades vocales qui troublent un auditoire principalement féminin :
– peu importe ces bêtes règles de politesse qu’il enfreint sans crainte, quand il poursuit son objectif personnel dans un contexte passionnel !

Ayant tiré la leçon de ses nouvelles lectures, me sembla-t-il, mon Doudou vint, cette fois-ci, avec une arme redoutable lui permettant de lutter contre sa ou ses tentations charnelles :
– un doudou à lui,
- son portable !
En effet, combattant héroïquement son désir de rapprochement sexuel, impossible malgré une proximité situationnelle évidente, dure séparation physique, pure frustration cruelle, mon Doudou tenait son portable à la main, comme s’il se l’était greffé dans sa paume, ne quittant pas des yeux l’écran bleu de ses échanges virtuels.
- C’est à ce moment-là que j’ai compris pourquoi il était aussi craquant, mon tombeur de ces dames, « au Bonheur des Dames » !
Parce qu’il faisait toujours une boulette au moment même où il pensait, lui, être irréprochable.

Car ses gaffes le rendent irrésistible pour de belles femmes imprévisibles qui s’enflamment à la vue de ce mâle volubile dangereusement approchable, paraissant tout à coup inoffensif quand il trébuche sur des mots volatiles,
- lesquels lui échappent lorsqu’il a le bonheur de croiser des regards amourachés à bout touchant.
Ainsi, ce jour-là, mon Doudou d’amour s’est comporté comme un goujat en pensant, au contraire, m’avoir prouvé qu’il savait se contrôler…à cause de son portable ou grâce à son doudou à lui,
– objet-fétiche transitionnel qui lui a permis de neutraliser sa souffrance de la séparation physique, sa frustration terrifique, en se branchant sur un autre univers onirique, celui des ondes électromagnétiques.
- N’est-ce pas qu’il est incroyable, mon Doudou d‘amour ?
– Comment voulez-vous, mesdames, ne pas l’aimer ?

Même la Baronne de Rothschild lui aurait pardonné cette impolitesse avec toute la tendresse d’une mère conquise par la sincérité maladroite de mon Doudou qui voulait démontrer, ce jour-là, au contraire, combien il savait conserver la maîtrise de son corps et de ses mots,
- respectant une autre règle du savoir-vivre contemporain qui est de ne rien laisser paraître, au grand jamais, de ses émotions !
Néanmoins, je rappellerais la règle élémentaire du savoir-vivre pour l’utilisation des téléphones portables en public :
[ – « En définitive, on pourrait résumer assez brièvement les enseignements du savoir-vivre à l’égard du portable : jamais en public, et le moins possible. »]
de Histoire de la politesse – De la révolution à nos jours
Nouvelle édition
De Frédéric Rouvillois
Champs histoire
Éditions Flammarion, 2020 pour la présente édition.

le doudou c’est l’enfant illégitime du patron
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